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COMMENTAIRES et IMPRESSIONS


  1. Avant de proposer la séance, j'ai lu La route des Flandres et L'Acacia. Encore "chaud", je propose la séance tout juste après avoir commencé Les Géorgiques, et sans avoir encore lu de critiques ni d'autres livres. Pour amener la séance, je parle de l'effet, en tentant une évocation des thèmes le souvenir de certains passages surtout - on peut parler aussi de la débâcle ;évidemment, très vite, ça coince et fait place au désir du texte, c'est alors le moment choisi pour présenter la tentative d'écriture qu'il y a à faire. J'insiste sur l'idée qu'il y a une dimension autobiographique, liée au choix de l'écriture, (voir la fin de L'Acacia) sans qu'il s'agisse pourtant de "raconter sa vie".

  2. On a situé la séance comme un prolongement à la précédente (Saint-John Perse). Il y avait eu un fort investissement, en quelque sorte un déclic (plus particulièrement dans un groupe) : l'idée, c'est donc de rebondir avec ce qui s'était dit, en focalisant sur l'une des personnes qu'on a déjà évoquées, et qu'on choisit pour le lien particulier qu'on a à elle.

  3. Le risque, c'est l'étalage, l'envie de se raconter  au travers de la personne qu'on évoque, par les souvenirs qu'on en a soi : on l'empêche en imposant un "il" ou un "elle" impersonnel, vite repéré dans le texte de Claude Simon, et en interdisant la première personne.

  4. Il ne s'agit pas cependant de se censurer : il y a grande importance à suivre non pas un ordre chronologique, préétabli, convenable pour le récit d'une vie dans une notice, mais précisément l'ordre qui s'impose de lui même (d'où l'intérêt de ne pas s'occuper de la manière dont on formule, que ce soit par associations d'idées, par dislocations, par changements de points de vue etc.), lorsqu'on se trouve à écrire dans l'urgence, à laisser venir, à laisser se dire (ce qu'on sait d'ailleurs venant aussi de paroles, voir celles qui sont rapportées dans le texte de Claude Simon). Une aide : la citation de Rousseau, qui permet de concevoir différents points de vue possibles sur la personne dont on parle, qui suscite d'éventuelles projections.

  5. C'est là, précisément, qu'est la difficulté. Cela m'amène même pendant la première séance à repréciser : ne suivez surtout pas l'ordre chronologique. Les papiers pliés sont utiles : une case déterminée par le papier correspond à une "photo" - à une époque, un lieu donné. On évite du même coup la préoccupation du "texte" comme suite de lignes, de paragraphes, comme construction rhétorique, pour s'attacher plutôt à ce qu'il faut aller chercher en soi.

  6. Une grande concentration est nécessaire, mais on peut en faire une choix, sans qu'elle passe pour le silence habituellement imposé en classe : on fera tout ou rien. Si on ne veut pas essayer, ce n'est pas obligatoire, on peut faire autre chose. Mais si on décide d'essayer, on le fait entièrement. Si on n'est pas assez à vouloir essayer, on abandonne tout de suite, mais on ne fera rien sans investissement. (L'adhésion l'emporte à l'unanimité). On peut aussi dire qu'on va limiter l'écriture dans le temps, et qu'il s'agit avant tout d'un exercice de concentration, presque sur un mode sportif. Pour aider, on déplace les tables dans tous les sens, de manière à ce que chacun puisse s'approprier un petit espace dans la salle en échappant au regard direct d'un autre. C'est encore un choix : cherche dans cette salle l'endroit qui te plaît et qui n'est pas déjà pris  (bureau compris); cet endroit est pour toi si tu le veux.

  7. Assez rapidement après la mise en place s'installe le silence. J'interviens pour le faire remarquer, et surtout pour montrer qu'il n'est pas l'objet d'une "obéissance au professeur"  qu'il s'agit du silence chargé de la parole en action, de souvenirs mêlés, au même moment. Que cette parole là, dont ils mesurent pour eux-même l'importance (il suffit de les regarder leur attitude à écrire), a besoin de ce silence-là pour émerger.

  8. Le choix d'un parent, d'un ancêtre : il faut que la personne qu'on va évoquer compte, parce qu'on va aussi écrire avec l'absence, les manques, les reconstructions. Qu'elle compte suffisamment pour qu'on puisse avoir envie, pour soi-même, de faire compter une parole à son sujet, d'en savoir plus, ou dire ce qu'on ne saura jamais. Qu'il ne s'agit pas simplement de mettre machinalement des phrases vides au présent et à la troisième personne. C'est d'ailleurs pourquoi on interdit dans le même temps le recours au je : c'est l'autre qui nous intéresse, mais il le fait parce que c'est celui/celle qui compte pour nous et pas un(e) autre. "Je" est d'autant plus présent qu'il s'efface. Pour ceux qui hésitent à démarrer, je leur demande d'imaginer ce qui pourrait par des proches se dire à partir de bribes de leur propre vie, et de voir à quel point cela compte à leurs yeux. Mais on le fera avec un autre que soi, avec "il", et le présent.

  9. La lecture : toujours le point difficile. C'est encore chaud et personne ne se lance, alors je reprends moi-même des textes, en précisant que je préfèrerais ne pas le faire, que ma voix ne dira pas aussi bien ce qu'il y a à dire. Je repropose régulièrement, ce que je fais est un pis-aller, je le répète. Toutefois quand je le fais, ça déclenche aussi quelques lectures. Cela déclenche immédiatement une autre écoute. C'est le temps qui manque alors... Parfois une inattention apparente est aussi un moyen que ça puisse passer sans en avoir l'air, parce qu'il y a tout de même une attente ("on arrête alors ? - Non, non !"). On reprendra dans les séances suivantes, en anonymant éventuellement (j'arriverai avec les textes imprimés à partir du site, je proposerai à chacun son propre texte. Si ça bloque, on découpera tous les noms en haut de page, on mettra en tas, et on distribuera au hasard).


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