Pages d'écriture / 1998-99 / Exil, de Saint-John Perse / Texte de Céline
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     Celui qui ne pouvait plus sourire qu'avec ses yeux dans lesquels reflétait une vie longue mais pénible. C'est lui, lui qui a appris à s'abstenir de souffrir en mangeant ses lèvres quand il n'arrivait plus à se laisser mourir en voyant les gens autour de lui. Celui qui ne pouvait plus s'approcher de nous sans son fauteuil - son fauteuil qui l'a suivi pendant de longues années - sans même se plaindre de l'avoir connu aussi longtemps. Car il y en a qui auraient voulu le connaître comme il l'a connu, mais c'est surtout l'un des objets qui l'a soutenu. A quoi pense-t-il quand il est seul ? A ses années en tant que prisonnier dans des camps de concentration. Pourquoi tout cela tombé sur lui, toutes ces années qui reposaient sur ces jambes mais qui ont fini à craquer. C'est peut-être pour cela que je l'ai vu pleurer, ou peut-être qu'il pleurait en me voyant marcher, mais c'est sûrement parce que c'est quand je suis née que lui s'est arrêté de bouger pour une raison que je ne veux pas savoir. Car il était là et c'est le principal, il était là quand j'ai grandi, mais je n'étais pas là quand il s'est arrêté de vieillir. Pour un corps qui s'est flétri et cassé sous le poids du passé, ta photo est toujours là, comme si tu me regardais sans le savoir.

     Celle qui ne peut être ennemie. Elle qui parle et marche sans ne pas y mettre son coeur. Celle qui a remplacé ma soeur et c'est sûrement pour cela que je ne peux pas m'empêcher d'aller la voir pour les vacances, elle qui a une concurrente ayant les mêmes noms et prénoms, mais de tout son opposée. C'est une adolescente que je vois quand je la regarde, et pas une adulte. Peut-être est-ce elle qui arrête de grandir, mais c'est pas moi qui m'en plaindrais. Mais je ne cesse de l'écouter, je ne cesse de marcher à côté d'elle.

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