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Idées noires
(mars 2000)

Celles qu'on ressasse quand on est fatigué, mais il y en a aussi de plus gaies.


C'est à l'école que ça se passe : c'est planifié dans un emploi du temps, alors on attend un “résultat” et des “méthodes motivantes”, là où on ne sait plus comment faire plier la langue des couloirs pour qu'elle rentre dans les bonnes cases, celles qui donnent une bonne place. Alors c'est autre chose qui nous revient : fils de pute, nike ta mère, c'est pas moi mais j'suis pas une balance.

C'est même l'inverse, peut-être parce que tous les jours maintenant il y a la petite voix : « allons donc, qu'ils s'expriment, qu'on leur laisse un temps de parole réparti “à égalité” par élève, payons n'importe qui prêt à écouter “leurs” problèmes, et ça ira mieux ». Problèmes qui ne seront plus que les leurs dans la trompeuse confidentialité de la réunion parents-profs, quand dix fois de suite s'exprimera l'espoir que « ça revienne comme avant » parce « qu'on n'en est pas mort pour autant », que « quand même ça ne peut plus continuer comme ça », et qu'« avec toutes ces fautes », qu'est-ce qu'on va devenir après ? Qui est-ce qui va “le prendre”, mon gosse ? On cherche celui qui nous donnera la langue-Sésame, la langue qui fait gagner une voiture turbo-diesel avec options, la langue qui comblera le manque. Quand le Père reviendra-t-il ? Pour quel sauveur vais-je voter ?

Ou alors la petite voix se durcit : « Allons donc, qu'on les “cadre”, maintenant, qu'on les calme ou qu'on les fasse taire, soyons courageux, il faut faire preuve de courage et voir la réalité en face » : par exemple, on va mettre “leurs” problèmes au programme ; on va leur apprendre ce que c'est, la citoyenneté, en leur collant un miroir sous le nez pour dénoncer leurs fautes, et puis on va les initier à la Bourse et aux vraies “valeurs”, celles qui sont la vraie réalité de l'avenir du futur selon les experts. Positivons, grâce à nos “partenaires” et à un grand jeu-concours. D'ailleurs il faut aussi “expliquer aux familles” : quelqu'un pour dire le soir au vingt-heures d'attendre un peu et de ne rien penser trop vite du côté du mépris, parce qu'un “audit” suivi d'un “plan d'urgence” — qui va tout “régler” — est prévu : on va embaucher des éponges qui pomperont toutes les mauvaises paroles, et maintenant le film (attention avis parental souhaitable mais vous faites ce que vous voulez).

Et dans cette langue qui a perdu saveur, qui ose encore croire qu'il existe plus urgent qu'une lettre de motivation — que sainte Informatique corrigera et mettra en page avec des petites lettres qui clignotent, pour que s'exprime sur nos écrans, même quand on ne les regarde plus, la fantaisie (ah ! l'home, de tout temp, tout de m'aime, qu'elle richesse intérieur, 3,29 Fr la minute) qui nous reste ?

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