Février 2020 : on n'y pensait guère

Rédigé par Thibaud Saintin Aucun commentaire

En février, il était question de la grippe du Wuhan, et l'on entendait parler de mesures à venir. Nous avons eu la chance de partir quand même à Taïwan, avant les fermetures de frontières, et de nous y sentir accueillis. Le pays vivait encore pourtant dans le souvenir du SARS de 2003-2004. On ne parlait pas encore de quarantaine, en Thaïlande...

 

...Mais à Taïwan, si. Pas pour les touristes ; pour tous ceux qui, revenant au pays, allaient voir leur famille. Pour autant, nous avons eu le sentiment que là-bas, c'était moins un traumatisme ou une peur panique qu'une expérience. Partout où nous sommes allés, nous avons été scannés, interrogés sur notre provenance : venus de Thaïlande mais d'apparence "caucasienne", nous étions potentiellement louches. Une collègue taïwanaise de V., arrivée presque en même temps que nous, a dû rester coincée dans son hôtel, sans pouvoir aller voir ses propres parents. Il aurait fallu qu'ils s'isolent eux-mêmes, après sa visite, ce qu'elle ne voulait pas leur imposer. Elle est rentrée là où elle travaille, en Thaïlande. On ne savait pas encore que Taïwan serait le premier pays à sortir presque immédiatement de la "crise". On sent de toute façon, partout où l'on va là-bas, un pragmatisme qui va de pair avec un civisme très ancré, qui rend la vie pratique pour tout le monde.

Ainsi nous n'avons jamais ressenti la méfiance un peu humiliante qu'on subit tous les jours en Thaïlande... Dans ce dernier pays, il semble que certes, on applique, des mesures supposées, par leur rationalité, garantir notre humanité (prise de température, traçage, protection des uns et des autres)... mais, elles sont appliquées sans discernement, présentées comme des accusations, devenant à l'égard des "farangs" (étrangers) des déclarations involontaires - et complètement décomplexées - de la méfiance et de la xénophobie les plus naïvement sincères qui soient - dans une sorte de maladresse méprisante et peureuse, pleine de son bon droit.

A Taïwan, ce genre de malentendus est probablement possible, mais on ne l'a jamais ressenti, et de toute façon il ne s'afficherait pas avec la même agressivité. Aussi, après une seule nuit à Taipei, avons-nous pris le train...

On est toujours étonné par la vivacité des temples, à mi-chemin, dans la ville provinciale où on fait une pause. Gageons que ces entités-là nous protègent.

Et puis on reprend le train. C'est une ligne touristique, autrefois construite par des exploitants miniers. On tourne et retourne dans la montagne et dans la brume pendant quelques heures...

La ligne est très étroite, on a l'impression de s'enfoncer dans la jungle, et d'aller vers toujours plus de brume.

A l'arrivée, on a l'impression d'être passés dans une autre époque.

Dans cette région, de belles araignées colonisent des buissons entiers, et leurs toiles se dressent un peu partout devant le ciel gris.

La dame de l'hôtel que nous avions réservé dans la région d'Alishan s'excuse d'abord d'avoir à nous faire passer sous un thermomètre digne d'un check-point d'aéroport, et qu'elle installe devant nous. Elle nous explique pourquoi elle est obligée de le faire. C'est gentiment fait, tandis qu'elle précise longuement ce qu'on peut aller voir dans le coin, en espérant que nous n'aurions pas de température. Au lieu de nous regarder comme des pestiférés a priori - à fuir, elle semble nous considérer comme des pestiférés potentiels - à aider. Très vite, la nuit s'annonce, et nous longeons à pied la route principale pendant un bon kilomètre, pour trouver des soupes en sachet dans une supérette. Nous voilà rapidement hors du temps, au milieu de la brume qui devient de plus en plus dense.

Notre chambre est comme suspendue au-dessus de la montagne. On a froid, chose qui ne nous arrivait plus depuis des mois... L'hôtel sert du thé, mais ne prépare pas d'autre repas que le petit-déjeuner. Peu importe, on se contente de soupes et de fruits achetés pendant la journée. C'est l'occasion de longer cette route quelconque, mais qui réserve de belles vues.

Un soir de mission pour la soupe de nouilles, C. parle de ses lectures de Lovecraft, et le décor, au retour, se prête bien à la conversation...

D'autres fois, on a l'impression de voir les plantes et le silence prendre le dessus.

On trouve ainsi refuge plusieurs jours dans les nuages d'Alishan, à se promener dans les forêts de bambous ou les plantations de thé.

Plusieurs chemins ont été aménagés pour les promeneurs, qui ne donnent pas l'impression d'avoir été bétonnés, mais soignés pour s'intégrer aux forêts de bambous.

Un chien nous y suit pendant plusieurs heures : il semblait deviner qu'on allait forcément revenir au point de départ, là où il nous avait adoptés. Il faut parfois gravir plusieurs centaines de marches pour aller voir un arbre ancien...

On se récompense au retour dans des cafés où on sert du oolong.

Dieu sait qu'il est bon, le oolong en question... Pour ma part, je ne connaissais pas, et je commence à comprendre quelque chose. En quelques jours, on a l'impression qu'on pourrait ralentir encore, et dormir encore avec ces champs qui n'en finissent pas. Lorsqu'on atteint ce qu'on croit être un point élevé, il reste toujours quelque chose à voir au-dessus. Alors on regarde par en-dessous, et on n'est pas déçu.

Et puis il faut bien redescendre, abandonner les belles araignées qui, partout, laissent leur  toile s'imbiber de brume, et rentrer à Bangkok.

 

 

 

 

 

 

 

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